• Sommaire

    • [+]Préliminaires (3)
    • [+]Introduction (4)
    • [+]Amérique latine (13)
    • [+]Afrique subsaharienne (9)
    • [+]Monde arabe (11)
    • [+]Russie (11)
    • [+]Inde (11)
    • [—]Chine (9)
    • [+]Conclusions (6)
    • [+]Annexes (1)

Chine

Les téléphones portables

Si en 2009, les recettes générées par les e-books ont représenté à peine 1,83 % de l’univers de l’édition électronique, un autre domaine a eu un rendement immensément supérieur. En effet, les contenus pour téléphones portables ont constitué, selon le même GAPP, 40 % du total de l’édition électronique. La plate-forme par le biais de laquelle circule le plus grand débit de publications numériques en Chine n’est donc pas celle des e-readers – trop chers pour les utilisateurs et, paradoxalement, peu rentables pour les compagnies de hardware –, mais bien celle les téléphones mobiles.

Il existe en Chine 3 grands opérateurs de téléphonie mobile : China Mobile, China Unicom et China Telecom, tous ayant l’État chinois pour principal actionnaire. Avec environ 600 millions d’abonnés – dont 25 millions utilisent des appareils 3G – China Mobile contrôle plus de 70 % du secteur. Sa stratégie d’expansion sur le marché rural est la clé principale de son succès. China Unicom, pour sa part, réunit environ 150 millions d’utilisateurs – dont 15 millions utilisent la technologie 3G. Quant à China Telecom, il offre ses services à 70 millions de souscripteurs – dont 13 millions dotés d’appareils 3G. À l’instar de ce que l’on observe dans d’autres régions en développement, les téléphones portables sont devenus en Chine le véritable réseau, au point que China Telecom a récemment annoncé qu’elle n’investira plus dans les connexions internet fixes en zone rurale, l’option mobile constituant une alternative beaucoup plus efficace [1].

Si l’on tient compte du fait que le nombre d’utilisateurs de l’opérateur China Mobile équivaut pratiquement aux populations des États-Unis et de l’Europe occidentale réunies, on peut se faire une idée de l’extraordinaire marge de manœuvre dont disposent ces géants de la communication. En 2009, China Mobile a présenté son propre système d’exploitation, le oPhone, développé par l’entreprise locale Borqs à partir d’Android [2]. China Unicom a choisi un chemin différent, présentant en mars 2011 le système WoPhone – basé sur Linux –, qui défie simultanément Android, iOs et Windows Mobile Phone 7 [3].

Les 3 opérateurs disposent également de leur portail d’applications respectif. Le Mobile Market, de China Mobile, réunirait 80 000 développeurs et 11 millions d’utilisateurs inscrits [4]. Selon les informations publiées par iResearch, il serait devenu le deuxième plus grand site de vente en ligne d’apps de Chine, après l’OviStore de Nokia [5]. Le portail Wo Store de China Unicom affiche 1 million de clients inscrits [6]. Enfin, en octobre 2010, China Telecom avait déjà investi 15 millions de dollars dans son eStore [7] qui, au cours de ses sept premiers mois d’existence avait déjà attiré plus de 500 000 abonnés [8]. Quant à leur position sur le marché chinois, Wo Store et eStore talonnent l’AppStore d’Apple [9].

Le dynamisme considérable du réseau mobile en Chine a un impact direct sur le terrain des publications électroniques. Une étude réalisée par la société de consulting Canalys, publiée en 2010, révèle que 51 % des utilisateurs chinois de téléphones portables ont l’habitude de télécharger des applications à partir de leur mobile – un pourcentage très au-dessus des 29 % d’utilisateurs qui en font de même parmi les Européens occidentaux [10]. Plus remarquable encore, parmi ces 51 % d’utilisateurs, 68 % reconnaissent que les e-books sont la catégorie d’applications qu’ils consomment le plus, ce pourcentage atteignant même les 76 % parmi les jeunes. C’est peut-être la raison pour laquelle China Mobile a annoncé en mai 2010 son intention d’ouvrir un site de vente en ligne entièrement dédié à la vente de publications numériques [11].

L’extraordinaire engouement pour les réseaux sociaux conçus spécialement pour les téléphones mobiles contribue à accentuer le phénomène. Nombre de ces portails ont à voir avec la littérature et proposent leurs propres contenus. Les sites Byread et EMZ, par exemple, alimentent toute une communauté de lecture virtuelle et offrent à leurs visiteurs la possibilité de télécharger des publications sur leur téléphone.

Ces mutations ont accéléré l’apparition d’un nouveau genre de littérature : des textes agiles et contondants qui, selon Zhang Yiwu – prestigieux professeur de l’université de Pékin – pourraient bien inverser la tendance et remettre au goût du jour des formes tombées en désuétude comme le roman court et la poésie. Il faut rappeler que l’espace disponible sur un petit écran peut donner de très bons résultats avec la langue chinoise, puisqu’un caractère chinois véhicule beaucoup plus d’informations qu’une simple lettre en anglais ou en français. En ce sens, le roman Hors les murs de la citadelle assiégée, écrit par Qian Fucheng en 2004, est un texte pionnier : ses 60 chapitres, composés à partir d’un corpus de 70 caractères ont été téléchargés durant deux mois par quelque 800 000 personnes. Après avoir obtenu notoriété et fortune, Qian Fucheng a déclaré :

Lorsque j’ai commencé à écrire ce roman, j’étais très enthousiaste. J’étais convaincu que les messages de texto devaient être plus que de simples plaisanteries et pouvaient se convertir en grande littérature. (…) La manière d’écrire est absolument différente, du fait que 70 caractères sont insuffisants pour rédiger un roman traditionnel. J’ai donc décidé d’explorer un nouveau champ littéraire et de soigner ma démarche. Je ne cesse de me répéter : moins de conversations, moins de descriptions. Comme il s’agit d’un roman, il faut raconter une histoire de manière attractive, mais il est tout aussi fondamental d’économiser l’espace : on ne peut se permettre de gaspiller le moindre mot, ni même le moindre signe de ponctuation [12].

Finalement, de nombreuses maisons d’édition traditionnelles se sont mises à expérimenter ces nouvelles possibilités. Tianjin Publishing Media Group, par exemple, a signé des accords avec China Mobile et d’autres compagnies de téléphonie mobile pour mener des incursions dans l’édition numérique et mettre en pratique des projets industriels de microromans [13].


 

Notes    
  1. Cf. Raymond Yu : “Chinese Telecom: China Mobile Leads the Way”, Bloomberg.com, 5 août 2009.
  2. Cf. Fletcher, Owen : “China Unicom Plans Mobile Operating System”, The Wall Street Journal, 28 février 2011.
  3. Cf. “Unicom unveils its Wophone”, People’s Daily Online, 1er mars 2011.
  4. Cf. “CCID Consulting: Open Sesame! China’s Mobile Internet Market 2010 in Review and Outlook”, Business Wire, 28 février 2011.
  5. Cf. iResearch, 20 janvier 2011.
  6. Cf. “China Unicom App Store Reaches 1 Mln Registered Users”, Marbridge consulting, 12 février 2011.
  7. Cf. “China Telecom invests $15 mln in its mobile app store”, Telefax China, 21 octobre 2010.
  8. Cf. “China Telecom mobile app store boasts 500,000 users”, TMT China.
  9. Cf. iResearch, op. cit., 20 janvier 2011.
  10. Cf. “China outpaces Western Europe with mobile application and game downloads”, Canalys, 21 septembre 2010.
  11. Cf. Wuping Zhao : “China Mobile to Build China’s Biggest E-bookstore, Reveals Digital Strategy”, Publishing Perspectives, 16 mai 2010.
  12. Cf. “China’s mobile phones lead a reading revolution”, The Irish Times, 10 janvier 2011.
  13. Cf. , Chinaxwcb, 10 décembre 2010.

2 Commentaires

  1. thierry quinqueton

     /  27/08/2011

    Le témoignage et la présentation de Qian Fucheng est une nouvelle source de réflexion sur l’apparition de nouvelles formes d’écritures et de nouvelles modalités d’édition.

  2. thierry quinqueton

     /  27/08/2011

    Petite contribution aux difficultés de la communication électronique avec la diversité culturelle : mon e-reader sony bugue sur les ideogrammes chinois contenus dans les notes du texte quand je lis au format EPUB (mais tout est ok dans l’étude en ligne).

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